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Publié par Guy Garnier

COMME UN LIVRE OUVERT

Musique, mon amour, il faut que je te dise...
Un jour, tôt le matin, la vie a bougé.
Oh ! Pas grand-chose, ça a été l'affaire d'un instant dans une petite musique rêveuse qui venait de derrière la commode. Jusque là, rien de particulier, elle se taisait, c’était comme ça.
Je sentais bien qu’elle me regardait dans la courbe de ma nuque pour me faire frissonner, mais c’est tout.
Le jour où la vie a bougé, elle s'est mise à jouer plus fort.
Je me suis levée pour l'arrêter.
C'est au moment où je posais mon tas de feuilles griffonnées par terre que je l'ai vue.
Il y a eu un grand silence. Je crois qu’on a eu peur toutes les deux.
Je pensais que ça n'existait que dans les histoires une musique comme ça, mon amour, une musique aussi lumineuse que toutes les étoiles les plus brillantes de toutes les nuits les plus noires.
Silence...
Elle a levé les yeux vers moi, ils étaient d'une tendresse infinie.
Elle s'était emmêlée une note dans le fil de mon électrophone qui patinait dans une goutte d’huile renversée. Je l'ai prise par les éclisses, de chaque côté, et déposée à nouveau derrière la commode. En coin. Debout.
Tu aurais dû lavoir, elle était d'une beauté...
J’ai installé à ses pieds toute une provision de partitions et effleuré son dos. Une caresse qui cherche quelque chose avec douceur et avec rage, aussi, jusqu’à cet incomparable plaisir qui fait trembler d’émotion et met les cheveux en désordre,et tu sais bien comment c'est.
Elle a rejoué pour moi plusieurs fois, jusqu'au jour où sans me le dire, « ils » ont vendu son cœur.
Dehors, l’air était sec, et dur. Et baignait dans le silence. Pas un bruit. Pas une voix. Rien.
Il faut pouvoir imaginer ça. Un souvenir.
Je ne m’en suis pas aperçue tout de suite, « ils » avaient coloré l’air de sons mobiles, des petites bouffées blanches vagabondes, mais les silences se sont resserrés.
Sans cœur, ils dévoraient les sons de l’intérieur.
Un vide, une bulle,un labyrinthe de silences retrouvés. Il faut que je te dise.
Ainsi commencent et finissent les regrets, dans ces silences inamovibles de la vie quand elle bouge. J’ai souri, ça ressemblait à un jeu, et j’ai fermé les yeux, et Dieu sait pourquoi, à un moment, j’ai compris. C’était fini. Elle et moi. La musique, mon amour. La musique et moi. C’était terminé. Ça n’a pas de sens, n’est-ce pas ?
..............
...
Extrait du livre Musique mon amour, 1e édition 2010, 2e édition augmentée 2015 (web et papier) - Tous droits réservés
Préface de Guy Garnier / une postface à venir
Vidéo de David Azulay :
http://www.dailymotion.com/…/xftylx_musique-mon-amour-veron…
Correspondance imaginaire avec Jean de Sainte Colombe dit« Le Père »
(Compositeur français, professeur de Marin Marais et joueur deviole ; né vers 1640 et mort vers 1700)
Titres contenus dans ce texte :
Le retrouvé, La rêveuse, L’incomparable, Le labyrinthe, Les regrets

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